IRISS

Nuances

Quand on habite dans une ville depuis longtemps, les endroits que l'on a connus, où l'on a vécu, changent. Les gens ont sans doute oublié que la porte vitrée, accolée au 24 de la rue Berthelot, était anciennement l'École de Danse Arabesque. Un salon de coiffure y a pris place. L'analogie est assez forte car le lieu était autrefois imprégné du parfum de la danseuse. On avait juste à entrebâiller la porte pour être pénétré par l'odeur de la laque récemment appliquée. La fameuse l'Oréal Elnett Paris faisait partie des indispensables à avoir dans son sac de danse. J'ai passé dix ans, à raison de deux à quatre heures par semaine, dans ce lieu suspendu dans le temps, dans cette maison au papier peint fleuri, où l'on entendait le son du craquement de la colophane sous la pointe des chaussons, où l'on découvrait le sang séché sur l'embout des collants, où l'on respirait la senteur à la fois agressive et envoûtante des danseuses classiques.