IRISS

Nuances

La rue Victor Hugo est l'une des rues les plus longues de Tours. En 1996, nous nous sommes installés au numéro 127, j'avais alors quatre ans. Tourangelle depuis vingt-deux ans, cette ville est constitutive de la majeure partie de mes souvenirs mais également de ma vie actuelle puisque j’y réside toujours. Parler de Tours, c'est avant tout pour moi évoquer le lieu qui débutait et terminait chacun de mes parcours, c’est parler de ma maison. La porte d'entrée était vert foncé. Un vert que l'on retrouve fréquemment dans la ville et que je qualifie de « vert tourangeau ». Ma mère déteste cette couleur. Un jour, elle a entrepris de repeindre la porte en bleu, un bleu franc. Je me souviendrai toujours de ce retour d'école, accompagnée de mon frère ainé, lorsque nous sommes tombés face à cette nouvelle porte. Il y a vingt ans, ce n'était pas vraiment à la mode d'avoir une porte de couleur vive, encore moins celle que notre mère avait choisie. Nous étions à un âge où l'on ne souhaite pas se faire remarquer. Cette porte, cette couleur, marquaient officiellement la fin de notre anonymat. Et pourtant, ce qui au départ avait suscité une forme de honte, est devenu petit à petit un repère spatial et visuel. Afin de nous localiser nous commencions par indiquer notre couleur : « C'est la porte bleue, n°127 ! ».